Jane Dieulafoy (FR), 1851-1916

Portrait réalisé par Feïr Paraselene

Jane Dieulafoy est un nom qui a fait couler beaucoup d’encre. Aventurière, archéologue, journaliste, actrice, anti-conformiste, travestie, franc-tireuse, patriote militante, autrice à succès, les qualificatifs manquent pour décrire une vie qui l’aura mené à travers continents, guerres et découvertes. Une incarnation d’Indiana Jones au XIXème siècle.

 

Jane Dieulafoy est née le 29 juin 1851 à Toulouse. Née dans une famille de commerçants aisés de Toulouse, Jane Magre est formée au couvent de l’Assomption d'Auteuil (Paris), où elle reçoit un enseignement classique et montre des dispositions pour le dessin et la peinture. Cette éducation traditionnelle lui fait hériter de valeurs conservatrices et chrétiennes assez fortes. C’est d’ailleurs potentiellement ses engagements anti-divorces et très patriotes qui l’ont épargné des accusation “d’hystérique” ou de “perversité” habituellement faites aux femmes portant le pantalon. En 1869, elle quitte le couvent et fait la connaissance de l’archéologue Marcel Dieulafoy (né en 1844). Iels se marient le 11 mai 1870.

 

En 1871, la guerre franco-prusssienne sévit et son mari s'engage comme capitaine dans le corps des ingénieurs militaires. Refusant le rôle de cantinière qui lui est assigné par son genre, elle se coupe les cheveux, enfile un uniforme de tireur d’élite et rejoint son mari au front. C’est la première fois qu’elle porte des vêtements masculins, ce qui à l’époque est non seulement désapprouvé socialement, mais également illégal, à défaut d’obtenir une autorisation publique. Son engagement et son mariage lui permettent d’éviter toute punition et une autorisation exceptionnelle unique dans la législation française. Cette autorisation est centrale dans sa vie puisqu’elle lui permet l’aventure et les voyages, notamment dans les pays islamiques dont la culture et l’art la fascinent.

 

D’abord suivant son mari puis travaillant ensemble, iels voyagèrent des années durant, visitant le Maroc, l’Espagne, Marseille, Athènes, Istanbul, Poti, Erevan, Jolfā, Tabrīz, Qazvīn, Téhéran, Ispahan, Persépolis, Shiraz, Sarvestān, Fīrūzābād, et Suse en passant par Būšehr et la Mésopotamie, à pied et à cheval. Jeanne décrit l’ensemble de ces périples, rencontres et péripéties dans de nombreux journaux intimes qu’elle publie par la suite dans des revues et des romans. Ils finissent par réussir à atteindre Suse et commencent des fouilles en 1885 que Jane supervise. Elle exhume la frise des Lions du palais de Darius, la rampe de l’escalier du palais d’Artaxerxès III et la frise des archer. Elle dirige l’acheminement de ces monuments vers Paris puis leur restauration pour qu’ils soient conservés au Louvre. Elle écrit une biographie et est décorée de la légion d’honneur en 1886.

 

Lors de la Première Guerre mondiale, elle part au Maroc diriger les fouilles de la mosquée d’Hanssan, se bat pour améliorer le sort des populations locales et le droit des femmes à se battre également. Elle contracte une bronchite, une ophtalmie, une dysenterie, et rentre en France en 1915. Elle meurt au château de Langlade, en mai 1916, âgée de 64 ans, alors qu’elle prie pour la victoire des armées françaises dans la sanglante bataille de Verdun.

 

Le déroulement épique de sa vie demeure une véritable source d’inspiration, par l’image d’une femme forte, indépendante, bravant les hommes, les lois, pour étudier le passé. Elle ne s’est jamais revendiquée d’un féminisme, mais son combat défiant les genres vestimentaires et ses choix indépendants, assumant d’être qui elle voulait être, nous a semblé important d’être raconté.