Katherine Ann Dettwyller (US), 1955 -

Portrait réalisé par Pablo Herbert

Katherine Ann Dettwyller est une anthropologue texane. Diplômée d’un doctorat en anthropologie à l’université de Bloomington en 1985, elle a enseigné en tant que professeure adjointe invitée au Département de sociologie et d'anthropologie de l'Université du sud du Mississippi à Hattiesburg, Mississippi de 1985 à 1987, puis à la Texas A&M University, College Station dans le département d'anthropologie de 1987 à 2000, pour ensuite prendre une retraite anticipée de son poste de professeure agrégée. Au cours des années 1990, elle a été anthropologue nutritionnelle/consultante auprès d'un certain nombre d'organisations dispensant une éducation nutritionnelle au Mali, tout en y effectuant des recherches sur le terrain. Elle a ensuite enseigné à temps partiel en tant que professeure associée adjointe au département d'anthropologie de l'Université du Delaware et a continué à écrire et à parler lors de conférences et d'universités. Elle perd cet emploi en 2017 suite à un commentaire Facebook écrit sur l’affaire Otto Warmbier, l’adolescent états-unien condamné par la cours Nord-Coréenne.

 

Elle est l’autrice de nombreux ouvrages, dont un particulièrement reconnu, Dancing Skeletons: Life and Death in West Africa, tiré de son expérience en Afrique de l’Ouest, sur la malnutrition des nouveaux nés. Elle a travaillé sur des sujets aussi divers que l'ethnocentrisme, le choc culturel, le contrôle de la population, l'allaitement, la garde d'enfants, la signification du handicap et de la mort des enfants dans différentes cultures, l'excision ou encore le rôle des femmes dans les sociétés patrilinéaires.

 

Nous la citons ici pour son apport à l’archéologie des situations de handicap : depuis les débuts des années 1950, de nombreux corps, notamment néandertaliens, infirmes, blessés ou encore édentés ont été découverts. De nombreuses publications ont discuté longuement de la réalité de ces personnes. Parmi elles, de nombreux chercheurs ont inféré l’existence d’attitudes de « compassion » et de « soins » au sein des sociétés paléolithiques sans analyses terminologiques, philosophiques précises et sans observations directes de comportements ni de comparaisons ethnologiques.

 

Suite à deux publications de ré-étude de squelettes, un Néandertalien de Shanidar en Iran et un jeune de l’Epi-gravettien en Italie, Katherine Ann Dettwyler publie en 1991 un article réponse, “Can Paleopathology Provide Evidence for “Compassion ?”".

 

Elle y critique vivement ces inférences en distinguant les faits bruts, les problèmes osseux, et les interprétations, l’existence d’attitudes bienveillantes à leurs égards. De plus, elle critique les présupposés des chercheurs et sollicite les conceptions des études de l’invalidité en distinguant « déficience » et « handicap ». Si la première est paléo-pathologiquement diagnosticable, le second renvoie à un champ de faits institués par des croyances collectives variant fréquemment d’un groupe social à un autre. Enfin, elle produit une liste de cinq préjugés qu’elle déconstruit à l’aide d'exemples ethnologiques. Elle remet en cause l’idée selon laquelle tous les membres d’un même groupe, ici de chasseurs cueilleurs, sont productifs et auto-suffisants, que les individus n’ayant pas de problèmes osseux ne sont pas en situation de handicap, qu’une déficience physique entraîne forcément une absence de production, que la « survie » d’une personne est due à la gentillesse de son groupe, et que prévoir, soigner et que faciliter la survie sont les actes les plus compatissants possible. Malheureusement, cette publication n’aura pas l’effet escompté, son impact restera confidentiel à la discipline et ses contradicteurs n’en resteront que fermés. Il sera peu cité et peu pris en compte.

 

Nous souhaitions particulièrement redorer le blason de cette femme car selon plusieurs auteurs, le manque de réaction à son travail, pourtant éclairant et novateur est du à sa radicalité. Katherine Ann Dettwiller était une femme brillante, et militante de son quotidien à sa recherche. La société patriarcale lui aura fait payer cet engagement. Acclamée lorsque, en tant que mère, elle raconte la misère d’enfants africains, elle est pourtant ignorée et renvoyée lorsque, comme citoyenne, elle s’exprime sur ses pairs et sur sa société.