Maria Ludwika Bernhard (POL), 1908-1998

Portrait réalisé par Sly Morin

Énoncer simplement que Maria Ludwika Bernhard était une pionnière de l'archéologie et de l'histoire de l'art grecque serait un euphémisme. Née en 1908 et décédée en 1998, elle a connu la Pologne divisée, deux guerres mondiales, les deuxième et troisième républiques polonaises, ainsi que l'ère communiste, Maria Bernhard a “vécu pour voir la promesse d'une nouvelle [société]". Inspirant toute une génération d'archéologues, elle est aujourd’hui particulièrement connue pour avoir sauvé des dizaines d'artefacts du joug du Troisième Reich : sa contribution à la résistante pendant l'occupation prit notamment la forme d’un enseignement au sein d’universités clandestines. Entre ces deux événements, elle a réussi à rédiger le premier manuel universitaire polonais sur l'art grec.

 

Née à Łódź dans une famille polonaise d'origine française, Maria Bernhard a vécu entre sa ville natale, Varsovie, et Paris. Elle s'installe dans la capitale polonaise en 1930 pour poursuivre ses intérêts pour le monde classique à l'université de Varsovie. Elle a été l'une des premières étudiantes du professeur Kazimierz Michałowski (l'un des archéologues polonais les plus réputés du XXe siècle), dont elle est devenue l'assistante et sous la direction duquel elle a obtenu sa maîtrise et son doctorat. Maria Bernhard a poursuivi sa formation à l'École française d'Athènes (un lieu de prédilection pour les aspirants classicistes) et a travaillé en Italie dans le cadre d'une bourse du Fonds national de la culture. Dès 1938, Maria Bernhard aide le Musée national de Varsovie avec la Galerie d'art ancien, dont elle deviendra la conservatrice après la guerre.

 

La Seconde Guerre mondiale a sans aucun doute mis un terme à sa carrière. Cependant, elle était toujours active, tant au niveau académique dans le mouvement clandestin, qu'en tant que soldat de l'Armée de l'Intérieur (AK) dans le service des femmes (alias "Marianna").

 

Arrêtée par la Gestapo en 1940, elle est envoyée à la prison de Pawiak, n'évitant l'exécution que grâce à son passeport français. En août 1944, Maria Bernhard a participé à l'insurrection de Varsovie. Pendant l'occupation, elle a protégé les collections de l'université et de la bibliothèque de Varsovie contre le vol et la démolition. Après les dommages causés par les deux guerres mondiales en Pologne, Maria Bernhard a été l'une des principales personnes à avoir permis la récupération des collections du Musée national. Ses relations au Louvre ont également contribué à enrichir ses expositions en obtenant des prêts du musée français.

 

Après 1945, elle a travaillé dans plusieurs institutions, par exemple comme maître de conférences à l'université de Varsovie. En 1954, elle s'installe à Cracovie et devient titulaire de la chaire d'archéologie classique à l'université Jagellon. À la fin de sa carrière, quarante et un de ses étudiants ont obtenu une maîtrise, sept un doctorat et cinq ont été habilités. Son propre doctorat a été perdu pendant le soulèvement de 1944, mais il a été réécrit, modifié et finalement publié en 1955 à Varsovie.

 

Maria Bernhard a travaillé à Cracovie jusqu'à sa retraite en 1978. Elle a encouragé et géré la recherche et le réarrangement des entrées du catalogue de l'Université Jagellonne et des musées des Princes Czartoryski. Pour le public international, elle est surtout connue pour son ouvrage en sept volumes sur la collection de vases grecs de l'université de Varsovie, intitulé Corpus Vasorum Antiquorum (publié entre 1960 et 1994), ainsi que pour son remarquable travail sur l'art alexandrin. Maria Bernhard n'était pas une archéologue attachée à son bureau : au cours de sa louable carrière, elle a participé à de multiples projets de terrain, notamment à Mirmekion et Kalos Limen en Crimée, à Palmyre (le camp de Dioclétien) et à Alexandrie. Erudite singulière ayant traversé une époque turbulente, Maria Bernhard est un nom qu’il faut se remémorer, pour sa contribution à l'archéologie, en particulier à l'archéologie polonaise, tant en conservation qu’en enseignement.