Sarah M. Nelson (US), 1931 - 2020

Portrait réalisé par Carole Marchand

Sarah Milledge Nelson est archéologue, anthropologue et professeure émérite du département d'anthropologie de l’université de Denver aux États-Unis. Elle a travaillé sur la Préhistoire coréenne et chinoise avant de s’intéresser au genre et d’internationaliser ses recherches. Son livre Gender in archaeology: analyzing power and prestige constitue une référence dans le domaine.

 

Dans cet ouvrage, elle développe une critique féministe de l’archéologie, en opérant un historique des études sur le sujet et propose ses propres grilles d’analyse et de travail pour une archéologie « gender inclusive ». Sa critique s’articule autour d’une métaphore, s’inspirant du travail d’une psychologue féministe américaine, Sandra Lipsitz Bem, celle du « prisme du genre » : telle une lentille, cette construction articule trois biais : l’androcentrisme, l’essentialisme biologique et la polarisation du genre, inhérents à notre vision du monde, qui dispersent notre regard et desquels il est nécessaire d’être attentif pour que ces distorsions ne biaisent pas nos discours.

 

Cette étude définit l’androcentrisme comme “la croyance selon laquelle tout ce qui est masculin est naturel, normal, central et juste. Tout le reste est déviant. Tout ce que font les femmes, en n’importe quel contexte, qui diffère de ce que les hommes font, est alors défini comme inférieur, car les hommes sont par définition la norme”. La polarisation des genres est pour elle “l’hypothèse selon laquelle une femme et un homme sont fondamentalement différents et la conviction que cette différence doit s’étendre à l’ensemble du tissu social au lieu de représenter des catégories qui se chevauchent et s’entrelacent. Et l’essentialisme biologique est “l'opinion selon laquelle la biologie impose suffisamment certains rôles ou restrictions sur les femmes pour expliquer des différences de rôles genrés considérés comme universaux”.

 

Ces biais sont, selon la chercheuse, issus de structures sociales très particulières : celles du patriarcat et de l’autoritarisme. Elle y décrit l’influence du pouvoir et du prestige masculin sur les études en archéologie et comment ces hommes puissants ont façonné une discipline à leur image : des hommes puissants côtoyant des hommes puissants, pensant donc des hommes puissants à leur image dans le passé.

 

Son travail est fondateur de l’archéologie du genre. Nous la citons directement : “les reconstructions du passé qui échouent à genrer l’archéologie ne peuvent que renforcer les stéréotypes actuels et sont donc particulièrement répréhensibles, surtout lorsque l’on y appose le cachet “prouvé scientifiquement”.